Rapport sur la maison d’arrêt de Seysses

Le groupe de travail « Prisons » des sections de Colomiers et de Toulouse a publié en mars 2013 un rapport d’enquête sur le fonctionnement de la maison d’arrêt de Seysses. Par le présent rapport les sections LDH de Toulouse et de Colomiers ont souhaité contribuer à ce que la prison ne reste plus un lieu en marge de la République, le lieu de l’oubli et de l’abandon, hors du temps et du regard des hommes porteurs de valeurs universelles.

La maison d’arrêt de Seysses, prison de nouvelle génération, obéit aux caractéristiques d’une industrie de l’enferment et, à ce titre, cumule de nombreux dysfonctionnements. Avec un taux de surpopulation de 134% et une population carcérale souvent supérieure à 800 détenus, les tensions et les violences sont devenues le quotidien de l’établissement.

Les difficultés dans l’accès aux soins et à un suivi médical, les défaillances dans la formation professionnelle et le travail, les difficultés d’accès aux études scolaires ou universitaires, une communication insuffisante entre les personnes détenues et l’administration, un accueil des familles mal organisé, l’absence d’unité de vie familiale, le manque de surveillants, de conseillers d’Insertion et de Probation (CIP), la diminution du nombre de personnels qualifiés sont autant de facteurs qui conduisent à la multiplication des incidents au sein de l’établissement .

L’éloignement des centres de ressource d’emploi non compensé par des transports publics adaptés est un handicap majeur aux aménagements des peines comme principalement la semi-liberté. La MA de Seysses dispose d’un processus « arrivant » pilote en France dont l’objectif est de recenser les diverses informations sur la personne détenue afin d’amoindrir « le choc carcéral ». Même s’il convient de regretter un manque évident de transparence dans sa mise en œuvre, ce processus constitue une avancée conforme aux règles pénitentiaires européennes (RPE). A cet égard, il est important de souligner que l’évaluation de la personne détenue, qui repose sur des critères subjectifs tels que la personnalité ou la dangerosité ne devrait en aucun cas servir à une différenciation de régime de détention ou à justifier l’arbitraire des décisions relatives aux conditions d’exécution de la peine.

La LDH n’a pu, en raison de l’opacité de l’administration pénitentiaire sur ce sujet, recenser avec exactitude le nombre de suicides ou de morts suspectes depuis l’ouverture de la MA de Seysses en 2003.

Les chiffres que nous possédons – trois suicides d’octobre 2009 à janvier 2011 et un suicide en l’année 2012 – n’en restent pas moins significatifs. Cet établissement n’échappe donc pas à la triste réputation des prisons françaises quant à la prévention des suicides. Un mouvement revendicatif de détenus est survenu en juillet 2012 à la MA de Seysses illustrant le régime humiliant que réserve l’administration pénitentiaire aux familles des personnes détenues. La Ligue des droits de l’Homme de Toulouse rappelle avec force que les peines exécutées ne s’imposent en aucun cas aux familles dont la présence s’avère primordiale pour la reconstruction des personnes condamnées.

Ce constat inquiétant ne favorise ni la compréhension du sens de la peine par les condamnés, ni leur réinsertion, et transforme la prison en une véritable machine à punir.

Au-delà de son « modernisme orwellien » et du non respect des règles pénitentiaires européennes, la situation de la MA de Seysses est marquée comme bon nombre de prisons françaises par une priorité trop exclusive donnée à la sécurité au détriment de l’objectif de réinsertion

La LDH souligne que les personnes détenues restent des citoyens titulaires de droits et que la peine est uniquement la privation de liberté d’aller et venir. Un travail important doit être mis en œuvre pour le respect de la dignité et la reconnaissance de la citoyenneté des personnes détenues. Dans un univers carcéral où les us et coutumes dominent au détriment des droits internationaux, européens, ou français relatifs à la détention, cette politique pénitentiaire est à rebours de l’intérêt général. C’est avec urgence qu’il faut exiger que la prison cesse d’être une zone de non droit et de violence, mais devienne un lieu apaisé permettant aux personnes condamnés de renouer le lien social et favoriser ainsi leur retour dans la « cité ».

Consultez le rapport :

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