XXIVème Rencontre de Martel : « l’eau, bien commun, bien public »

XXIVème Rencontre de Martel – L’EAU, BIEN PUBLIC, BIEN COMMUN

13 AVRIL 2019 La Raymondie – MARTEL

 

Les INTERVENANTS

 

Jean-Claude OLIVA est Directeur de la Coordination Eau Île-de-France et co-président de la Coordination Eau Bien Commun France. Il participe depuis le début des années 2000 au combat pour l’eau bien commun. Son intervention porte sur trois axes : l’eau et le climat, le dilemme public/privé, le droit humain à l’eau et à l’assainissement.

 

Lucien SANCHEZ, membre d’Eau Secours 31, collectif qui se bat pour que la gestion de l’eau et de l’assainissement passe en régie publique à Toulouse où le contrat eau-assainissement liant Veolia et la ville viendra à échéance en février 2020. Son propos rapporte l’expérience de ce combat et son état d’avancement

 

Gilles LIÉBUS président de Cauvaldor, a souhaité participer à cette rencontre pour nous présenter ce qu’il en est actuellement à Cauvaldor quant aux injonctions de la loi NOTRe qui prévoit le transfert des compétences eau et assainissement aux intercommunalités au 1er janvier 2020, avec possibilité de report à 2026.

 

Chaque intervention a été suivie d’un échange de questions/réponses entre l’intervenant et la soixantaine d’auditeurs présents.

Un enregistrement (non monté, de 60,4 Mo) de la conférence est accessible à l’adresse http://dl.free.fr/k0dyNzazZ (jusqu’à un mois du dernier accès) avec le mot de passe martel.

Le temps du début des interventions est donné.

Compte-rendu rédigé par Véronique Maire et Jean-Claude Brenot.

  •  Jean-Claude OLIVA (2mn 10s)

La coordination Eau Île de France regroupe depuis plus de onze ans des citoyens, des associations, des collectivités, etc qui ainsi peuvent faire entendre leurs revendications sur les problèmes de l’eau et de l’assainissement.

La Coordination Bien Commun France a été créée il y a trois ans pour permettre l’organisation d’un maillage national sur ces questions de l’eau sur plusieurs régions Île-de-France, PACA, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes.

 

L’eau et le climat

Les média s’intéressent de plus en plus au changement climatique et à ses conséquences sur l’eau. Voir par exemple les récentes inondations catastrophiques en Iran. Mais ce sont surtout des constats d’impuissance, en particulier sur les moyens d’obtenir une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre.

Nous préférons un autre angle d’attaque qui consiste à s’intéresser au cycle de l’eau, à sa préservation et à son influence sur le changement climatique. Agir sur l’eau est un bon levier d’action pour les citoyens, les associations et les collectivités, plus à notre portée que la question du CO2, et plus proche de notre quotidien par les multiples relations entre les éléments que sont l’eau, l’air, la végétation, les arbres…


Une raison supplémentaire d’aller dans ce sens : le changement climatique a parfois bon dos, les inondations sont souvent attribuées au seul climat alors qu’elles peuvent prendre des formes catastrophiques à cause de l’urbanisation galopante et de l’agro-industrie ; par exemple l
e fait de compacter les sols avec des engins énormes ou l’utilisation massive de pesticides qui détruisent la vie organique des sols et notamment les vers de terre qui, avec leurs galeries, permettent la pénétration de l’eau dans les sols. Avec leur disparition, l’eau ne s’infiltre plus, elle ruisselle. Des vidéos impressionnantes ont montré dans le nord de la France des torrents de boue envahissant des surfaces agricoles sans haies. Les sols se transforment en « plaques chauffantes » qui absorbent la chaleur du soleil et la restituent dans le milieu ambiant.

 

Dans les villes, le phénomène des îlots de chaleur urbains génère des différences de température allant jusqu’à 10°C entre la température de la ville et celle de la campagne avoisinante. En région parisienne, des différences de 5°C ont été mesurées entre le 19ème arrondissement et le Bois de Vincennes. Ces réalités sont bien palpables. Dans le même sens, dans les zones urbaines, l’imperméabilisation des sols provoque des ruissellements accélérant le cycle de l’eau et favorisant les inondations.

À partir de ces diagnostics, il s’agit de passer à l’action et d’intervenir sur ces questions. Nous sommes très inspirés par deux personnes.

L’une est Rajendra Singh, Indien qui vit au Rajasthan dans une zone extrêmement aride dans laquelle il mène une expérience très positive depuis 1985. Les années 50 ont vu l’arrivée de la « révolution verte » qui s’est traduite dans sa région par le développement de l’agriculture par irrigation de surfaces auparavant incultes (et un usage intensif de produits phytosanitaires et l’utilisation de variétés à haut rendement). Quelques années après, les prélèvements massifs d’eau avaient provoqué la chute dramatique du niveau de la nappe phréatique et de l’eau dans les puits. Quand Rajendra Singh est arrivé dans la région dans les années 80, elle s’était dépeuplée. Les gens ne pouvaient plus vivre là et quittaient le territoire pour grossir les bidonvilles des villes avoisinantes. La situation était à un point tel que les cours d’eau étaient asséchés. Rajendra Singh va inverser la tendance en quelques années en remettant en oeuvre une technique ancestrale, la johad, qui consiste à construire de petits barrages rudimentaires à l’aide de boue et de pierres permettant de collecter les eaux de pluie pendant la mousson et de les faire s’infiltrer dans le sous-sol durant la période sèche. Le résultat est spectaculaire. En quelques années, ils ont réussi à recharger les nappes phréatiques, l’eau des puits est remontée et les cours d’eau ne sont plus asséchés.

C’est un projet global qui a donné des résultats au niveau de l’agriculture ou de l’environnement, et aussi au niveau de la population qui est revenue. Toute une révolution s’est opérée, avec plus de démocratie, des conseils de village élargis, une autre place pour les femmes, des enfants retirés des usines pour revenir au village. C’est une véritable révolution écologique et sociale qui s’est développée à grande échelle, sur les 10 000 km2 d’une dizaine de bassins versants. Aujourd’hui, la végétation est revenue, la différence se voit depuis les satellites.

Rajendra Singh a été lauréat du prix de l’eau de Stockholm, en 2015.

Elle est une des personnes qui inspirent des solutions fondées sur la nature pour combattre le réchauffement climatique. Dans sa région où il peut faire 49°C, la température maximale a baissé de 2°C.

C’est un projet global qui a donné des résultats au niveau de l’agriculture ou de l’environnement, et aussi au niveau de la population qui est revenue. Toute une révolution s’est opérée, avec plus de démocratie, des conseils de village élargis, une autre place pour les femmes, des enfants retirés des usines pour revenir au village. C’est une véritable révolution écologique et sociale qui s’est développée à grande échelle, sur les 10 000 km2 d’une dizaine de bassins versants. Aujourd’hui, la végétation est revenue, la différence se voit depuis les satellites.

Rajendra Singh a été lauréat du prix de l’eau de Stockholm, en 2015.

Elle est une des personnes qui inspirent des solutions fondées sur la nature pour combattre le réchauffement climatique. Dans sa région où il peut faire 49°C, la température maximale a baissé de 2°C.

La deuxième personne qui inspire la Coordination Bien Commun France est Michal Kravcik, hydrologue slovaque fondateur de l’ONG People and Water, prix Goldman de l’environnement en 2003 parce qu’il a mis en échec des projets de grands barrages imaginés pour répondre au manque d’eau pour l’agriculture et de grandes villes slovaques.

Il fallait d’abord réparer les réseaux pour supprimer les fuites importantes, puis économiser l’eau. Les grands barrages n’ont finalement pas été construits.

Il proposait aussi d’autres types de solutions qui n’avaient pas encore été mises en œuvre quand en 2010 la Slovaquie a connu des inondations tout à fait catastrophiques. À ce moment-là, le gouvernement, avec l’aide de crédits de l’Union Européenne, a expérimenté des solutions innovantes. Il s’agissait de solutions locales à petite échelle, faisant travailler des personnes au chômage dans les villages, et qui consistaient à travailler en amont à la construction de multiples micro-barrages pour ralentir au maximum le flot de l’eau pour qu’elle s’infiltre. Pendant 18 mois, un gouvernement favorable a laissé faire sur une grande échelle et ainsi toute une région est aujourd’hui devenue plus viable pour l’agriculture et l’habitat. Dix ans après, ces constructions fonctionnent toujours et la région est réhabilitée. Cela a fonctionné en zone rurale mais aussi en zone urbaine, notamment dans la ville de Kosice, qui est la deuxième ville de Slovaquie

Cet été nous allons organiser un chantier international en Slovaquie. Au départ, nous sommes une association de plaidoyer, de sensibilisation, d’argumentation, etc mais nous allons passer à une phase projet pour devenir capables de mettre en place nous-même ce genre de projet.

 

Le droit à l’eau : l’eau c’est la vie, et à partir de là c’est un droit humain inconditionnel, attaché à la personne humaine. Il ne peut être conditionné au fait d’appartenir à telle ou telle couche de la société, d’avoir de l’argent ou pas, d’avoir telle ou telle religion.


Cette affirmation est apparue dès le début des années 2000 comme une alternative à la marchandisation de l’eau qui alors progressait très fort. En juillet 2010, l’assemblée générale des Nations Unies a reconnu ce droit à l’eau et à l’assainissement. Cette reconnaissance a été obtenue à l’initiative de la Bolivie parce que, quelques années auparavant dans ce pays, il y avait eu des émeutes, notamment à Cochabamba. Dans cette ville, l’eau avait été confiée à un consortium international, comprenant Suez, qui imposait des tarifs élevés tout en interdisant à la population d’utiliser l’eau de pluie. Cela avait produit une véritable explosion populaire avec des manifestations, des blocages, des morts… Ce mouvement a grandi ; Suez a été évincé et les citoyens mobilisés sur l’eau et le gaz se sont rassemblés autour d’Evo Morales et ont pris le pouvoir. Ce sont eux qui ont proposé cette délibération à l’ONU sur le droit à l’eau comme droit fondamental.

La résolution qui en a résulté n’est pas contraignante mais, avec le recul de presque 10 ans, elle apparaît quand même comme un levier politique assez puissant. Un certain nombre de pays l’ont reconnu et ont mis en place de nouvelles législations, comme la Slovénie récemment. Ils reconnaissent que l’eau doit être gérée comme un service public qui ne peut être délégué au privé.

En France, le droit à l’eau n’est pas reconnu en tant que tel et les « délégations de service public » (DSP) fleurissent. Mais ces dernières années, nous avons eu une bataille intéressante : celle contre les coupures d’eau pour impayés. Depuis 2013, la loi Brottes interdit les coupures d’eau toute l’année dans la résidence principale.

Avant cette loi, ces coupures étaient massives, estimées à 100 000 coupures/an en France, ce qui cachait aussi un certain business : 100 euros pour frais de fermeture, 100 euros pour frais d’ouverture après règlement des impayés. Ce business a été estimé à 10 millions d’euros supplémentaires pour les gestionnaires qui les pratiquaient. Ces coupures sont encore parfois pratiquées car la loi n’est pas toujours appliquée. Il a fallu mener une grande bataille avec la Fondation France Libertés. Nous avons commencé par rencontrer les gens qui, bien qu’informés, ne savaient pas comment faire valoir leur droit. Ce qui nous a amenés à contacter les distributeurs pour demander le rétablissement mais cela n’a pas fonctionné. Il nous a fallu aller devant les tribunaux qui nous ont donné raison. Le conseil constitutionnel a validé la loi Brottes, tout cela à partir d’une affaire contre la SAUR sachant que les 2 entreprises les plus retorses qui continuaient à couper l’eau étaient Veolia et la SAUR. Ce fut aussi le cas de quelques régies publiques telle la Noréade (Nord).

Quand on parle de droit à l’eau il ne s’agit pas seulement de l’accès mais de l’accès à une eau de qualité. C’est aussi l’information, la transparence et la participation des usagers. Parler de droit humain, c’est inclure ces notions. Aujourd’hui, émerge une nouvelle approche, celle du droit des cours d’eau. Depuis quelques années, on reconnaît la personnalité juridique à des cours d’eau ou des étendues d’eau. La décision la plus récente qui a fait suite à un référendum a été la reconnaissance comme une personnalité juridique du lac Erié (aux États-Unis). Désormais, ce qui sera jugé sera la pollution sur l’ensemble du cours d’eau et il ne sera pas nécessaire que l’association ou le particulier prouve qu’il a été lésé directement. L’autre avantage est que cela va en complément du droit humain à l’eau. C’est-à-dire qu’il y a souvent des populations autochtones qui sont lésées ; par exemple, leur cours d’eau est pollué par des industries minières, et elles ont du mal à se défendre. Pour elles, cette reconnaissance peut être un outil indirect et prometteur.

On va dans le sens d’une reconnaissance des droits de la nature, du climat … qui peuvent servir comme levier politique pour agir sur les politiques ou pour condamner l’inaction des politiques.

 

Dernier thème public/privé : La France est la championne du monde en terme de libéralisation dans le domaine de l’eau. On parle souvent de la mondialisation libérale, capitaliste, etc On se dit : « c’est les États-Unis », « c’est l’Europe »… Pour l’eau, c’est la France. Le mouvement vient d’ici. Les principales multinationales de l’eau sont françaises, ce qui nous donne, à nous Français, une responsabilité particulière, mais aussi des leviers d’action particuliers, à la fois au niveau national qu’international. Notons quand même qu’aux États-Unis, la gestion de l’eau est assurée à 90 % par des services locaux publics.

En fait, par la délégation de service public (DSP), c’est-à-dire en déléguant la production de l’eau, son acheminement, sa facturation à des entreprises privées, nous permettons aux multinationales de s’approprier une partie du bien commun de la collectivité et d’en tirer avantage. Elles peuvent ainsi capter des sommes importantes par différents mécanismes :

  • alors qu’une régie qui décide de faire des travaux doit passer par un appel d’offre pour faire jouer la concurrence, un délégataire n’est pas tenu de faire un marché public, il peut faire travailler une de ses filiales, si possible au prix le plus fort, et ainsi obtenir des déductions d’impôts.
  • On ne peut vérifier quel personnel est employé ou à quoi correspondent les frais de siège.
  • les brevets sur les technologies qui sont développées et testées chez vous. Actuellement, en région parisienne, la dernière mode est de développer l’osmose basse pression. Veolia réalise cela dans une usine pilote. Quand cette technologie sera mise en place, Veolia sera propriétaire des brevets, qui n’appartiendront pas au syndicat, mais constitueront des rentes de situation considérables pour la multinationale.

On parle aussi du REUSE (re-use = réutiliser) : en raison du manque d’eau, les eaux usées du réseau d’assainissement seront réutilisées pour l’irrigation (éventuellement « enrichies » de produits phytosanitaires). Une expérimentation de ce type est réalisée par Veolia dans les Hautes-Pyrénées avec le soutien de fonds publics.

On entend beaucoup parler de ce reuse, solution technologique industrielle mais on n’entend pas parler de la récupération des eaux de pluie. Pourquoi ? Parce que l’eau de pluie est gratuite et pas localisée, tout le monde peut s’en servir alors que le reuse ouvre un nouveau marché.

À travers le débat public/privé, se posent bien sûr des questions économiques, sociales et tarifaires mais il y a, d’un côté, des questions de choix d’investissement et de fuite en avant technologique, et de l’autre, une logique qui serait de combattre les sources de pollution, de dépolluer en amont, d’avoir déjà de l’eau de qualité dans l’environnement, une eau qui serait au final moins coûteuse pour les usagers.

Les questions d’eau sont en peine évolution et l’aspect le plus positif de la situation est, depuis plusieurs années, le retour graduel vers la gestion publique de l’eau. Cela a commencé avec le scandale de Grenoble (Carignon) en 1995 qui a permis de révéler un certain nombre de pratiques et de faire passer certaines lois. Grenoble est retournée à une gestion publique. De même pour Paris en 2010, après 25 ans de privatisation. Selon la FNCCR (Fédération nationale des Collectivités Concédantes et Régies), en 15 ans, le nombre d’usagers desservis en gestion publique est passé de 28% à 40%. C’est un mouvement mondial basé sur l’expérience d’une gestion privée désastreuse : promesses non tenues, en particulier sur les investissements, des augmentations de tarifs plus ou moins justifiées, l’opacité de la gestion, la corruption,…

 

Deux derniers points :

  • l’eau étant une ressource locale, les décisions sont locales aussi et il est plus facile d’obtenir gain de cause à ce niveau qu’au niveau national.
  • chaque fois que l’on peut donner la parole aux usagers, de bonnes décisions émergent. La transmission d’information et le débat sont des outils forts et précieux.

 

Deux autres points abordés pendant le débat final.

  • Sur les usages différents de l’eau : les taxes prélevées au nom de la pollution de l’eau le sont essentiellement sur les consommateurs, ce pourrait être revu.

Les tarifs de l’eau pourraient être différents selon les usages, domestiques ou commerciaux. Ce qui ne ruinerait pas les entreprises qui sauraient récupérer leur mise.

  • Lucien SANCHEZ (57mn 10s)

La bataille de l’eau à Toulouse tourne autour de deux facteurs :

  • pour Toulouse même, l’expiration en 2020 du contrat de concession de 30 ans passé en 1990 avec la CGE depuis devenue Veolia
  • l’évolution dans ce laps de temps de l’agglomération toulousaine. Toulouse Métropole compte maintenant 37 communes avec 5 modes[1] différents de gestion de l’eau et de l’assainissement : concession à Toulouse, des affermages, des gestions en régie, des marchés de prestation et une convention de coopération.

L’objectif du président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc (JLM) est, dans la suite de son prédécesseur Pierre Cohen, de mettre tous les contrats[2] à niveau en 2020 avec un mode de gestion et un prix uniques.

Deux études ont été lancées en parallèle[3] sur des gestions en régie et en affermage sur la base d’un cahier des charges très exigeant.

Après le bref passage de deux entreprises espagnoles ne restaient que deux candidats, Suez et Veolia. Fin mai commencent des négociations très discrètes qui débouchent à la mi-novembre sur deux prix pour l’eau : 3,56 euros le m3 pour le public, 2,91 pour le privé. JLM annonce alors son choix

  • Veolia pour l’eau
  • Suez pour l’assainissement

Pourquoi une telle différence de prix ? Une entente entre les deux « fermiers » ? Peu probable. Autre hypothèse : après l’échec de Veolia à Nice[4], il fallait assurer et ne pas perdre le marché du grand Toulouse. Il est important en effet pour les leaders mondiaux de l’eau que sont Veolia et Suez de conserver un ancrage national fort. Nos présidents ont bien dans leurs bagages leurs pdg lorsqu’ils vont négocier divers contrats à l’étranger.

La procédure engagée par J.L. Moudenc a entraîné la création d’un collectif unitaire, alliant associations, syndicats et simples particuliers, qui a mené, avec l’appui d’élus et de formations politiques, une suite d’actions d’information délocalisées sur la métropole : réunions publiques, distributions de tracts en particulier sur les marchés, etc. Il fallait expliquer à la population les différents modes de gestion de l’eau et aussi que cette gestion désormais échapperait aux municipalités en vertu des principes afférents aux transferts de compétence.

De son côté, JLM se refusait à organiser des réunions d’information, arguant qu’il n’y était pas astreint et surtout qu’il fallait attendre les résultats des négociations.

Leurs résultats ont été publiés le 28 novembre 2018, pour décision 15 jours plus tard, le 13 décembre.

Jusqu’au bout, JLM a entravé le processus démocratique, par exemple en janvier 2018, les cahiers des charges n’étaient accessibles aux élus et aux associations que dans une salle sous haute surveillance, avec quand même du papier et un stylo.

Les tenants d’un gestion publique sont tombés de haut avec la décision du choix de la DSP (Délégation de Service Public) qui s’inscrivait dans un sens opposé à la tendance nationale et surtout avec un coût incroyablement bas pour des sociétés privées qui doivent soigner leurs actionnaires (un prix de l’ordre de 20 % inférieur à celui de la régie publique alors qu’habituellement, le rapport est plutôt inversé et dans les 30 %).

Un élément de solution est en fait venu du compte-rendu du comité d’entreprise de Veolia des 4 et 5 juillet 2018 : le CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi). Selon toute vraisemblance, cette disposition fiscale mise en œuvre par F. Hollande en 2015 pour aider les entreprises a été utilisée à Toulouse par Veolia pour emporter le marché au détriment de la régie publique : ce crédit d’impôts, pris in fine sur nos propres impôts, a permis à Veolia de proposer un prix aussi bas et de battre le public. Serait-ce un cas de viol de la « concurrence libre et non faussée » si chère à Bruxelles ?

Une personne dans la salle, méfiante, demande s’il y a dans le contrat une garantie de prix à long terme. Réponse : l’évolution des prix dépend en principe d’un coefficient (k) qui prend en compte l’évolution de différents prix de matières et de services et ne devrait pas pouvoir être manipulée.

Autre question : peut on craindre un service au rabais, par exemple une baisse de la qualité de l’eau fournie ? Lucien Sanchez en vient sur le point essentiel de l’entretien du réseau. Ces dernières années, le taux de renouvellement était de 0,4 %, ce qui correspond au renouvellement des conduites tous les 250 ans ! Dans le nouveau contrat, ce taux a été doublé à 0,8 %, une valeur encore éloignée du taux habituel de 1 %. À remarquer aussi que les deux-tiers des investissements de ce type sont pris en charge par la collectivité, le prestataire n’intervenant que pour un tiers[5].

 

Autres points, en vrac :

  • En cas de passage en gestion publique, les personnels sont repris, mais restent sous contrat privé.
  • Le rendement du réseau pour la Saur est de 30 à 40 % : le tiers de l’eau est perdu.
  • Les sociétés privées, pour l’eau comme ailleurs, disposent de diverses méthodes pour augmenter leurs profits, même dans des conditions bien encadrées, par exemple en sous-traitant des prestations à leurs propres filiales à des prix qui peuvent être prohibitifs. En toute discrétion car l’accès aux documents comptables est souvent bloqué au nom du secret commercial, ce qui n’est pas possible dans le cas de la gestion publique pour laquelle l’accès aux documents est libre.
  • l’eau est une vache à lait, tout le monde se rappelle Vivendi (issu de la CGE) et les investissements pharaoniques de J2M (Jean-Marie Messier) (Maître du Monde rajoutaient les mauvais esprits).

 

D’autres informations que Lucien Sanchez n’a pas eu le temps d’exposer sont accessibles à

http://eausecours31.fr/apres-le-13-decembre-notre-combat-continue/

Gilles LIÉBUS (1h 23mn 50s)

Pour Gilles Liébus, on parle beaucoup de l’eau que l’on consomme mais ce qu’il faut considérer, c’est le grand cycle de l’eau, des milieux aquatiques dans leur ensemble à l’eau du robinet, sa production et sa distribution, et à l’assainissement. L’autre point important est qu’il faut se nourrir, il faut donc parler du monde agricole et des conséquences du réchauffement climatique. Nous devons agir, ce qui nous impose de réfléchir.


Selon la loi NOTRe votée en 2015, normalement, la collectivité devait prendre la compétence de l’eau et de l’assainissement en 2020. Les communautés d’agglomérations et les grandes métropoles ont mis en œuvre cette loi mais ce n’est pas le cas pour notre communauté de communes. Cauvaldor a la possibilité de prendre cette compétence mais les législateurs ont décidé de permettre un report en 2026 pour les communautés de communes en cas de minorité de blocage. Les lois ne sont pas les mêmes pour tout le monde.

Qu’en est-t-il dans notre territoire ? Nous avons débattu assez tôt sur cette prise de compétence. Les élus se sont aperçus que tout le monde (département, région, etc) organisait des assemblées générales sur l’eau : ils ont tous intérêt à avoir cette compétence parce que, aujourd’hui, le manque d’eau est certain et ce sera encore plus flagrant à l’avenir.

L’eau est un bien public mais elle n’appartient en fait pas à tous car il faut la gérer. Si elle appartenait à tous, il y aurait des conflits.

Nous sommes aujourd’hui dans l’impasse parce que chaque élu regarde son petit clocher.

De nombreuses situations coexistent : des régies, des syndicats en DSP, des syndicats uniquement en production, des syndicats qui peuvent continuer d’exister car ils sont sur plusieurs communautés de communes : le grand flou. Selon une étude départementale, il y a une importante disparité de prix qui vont de 1 euro à 3,50 euros. Cela sans compter le prix de l’assainissement… sinon on serait bien au-delà. La situation est compliquée surtout lorsque l’on parle d’uniformiser le prix de l’eau et de maintenir une certaine solidarité sur nos territoires…

Devons-nous continuer à avoir de telles disparités ? Pour moi, non.

Encore plus dans la ruralité où 50% des habitations sont des résidences secondaires avec très peu de consommation. Parmi les difficultés, la taille des tuyaux qui alimentent ces résidences et la qualité de l’eau lorsqu’elle y stagne… Il est donc compliqué de gérer ces paramètres.

Dans cette configuration et suite aux dernières réunions, je peux vous dire que, sauf changement radical de situation, nous allons malheureusement vers une situation de blocage et que nous ne prendrons pas la compétence de l’eau et de l’assainissement en 2020.

Notez aussi que la création de la GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et Protection des Inondations). Nous avons eu la chance sur notre territoire d’avoir eu des personnes compétentes pour se pencher sur le sujet : le SMPVD (Syndicat Mixte du Pays de la Vallée de la Dordogne ), le SYMAGE (Syndicat Mixte d’Aménagement et de Gestion de l’Eau), et Cauvaldor. Tout le travail fait dans ce cadre a permis une bonne gestion des milieux aquatiques et d’avoir une eau plus facile à traiter et qui coûte moins cher. Ces travaux étaient financés par le biais d’impôts et de taxes. Aujourd’hui la GEMAPI correspond à un nouvel impôt.

Mais nous ne sommes pas dans la même situation que le milieu urbain qui n’est pas intéressé par les milieux aquatiques mais s’inquiète de la protection contre les inondations. Une protection qui se fait dans la ruralité car c’est là que sont les champs d’expansion. Demain les gros consommateurs d’eau que sont les métropoles et les grandes agglomérations viendront chercher l’eau dans les campagnes. Et les ruraux paieront deux fois : l’impôt pour la protection des milieux aquatiques et le prix de l’eau puisque elle sera distribuée non pas en régie, comme je le souhaitais, mais par des syndicats.

Deux syndicats ont été créés :

L’un est le Syndicat Mixte du Limargue qui jusqu’alors ne faisait que de la production mais se lance désormais dans la distribution et l’assainissement via un contrat de 15 ans avec la SAUR.

Le 2ème syndicat est le Syndicat Mixte de la Bouriane, de Payrac et du Causse qui est en DSP avec la SAUR.

Cela signifie que Cauvaldor qui souhaitait prendre cette compétence et la prendre en régie, va, en raison des contrats d’affermage en cours, se heurter à un blocage de la part de communes membres de ces syndicats.

Ces syndicats montent en puissance. Demain nous serons divisés et n’aurons pas de gestion globale et cohérente du territoire. À l’avenir, la collectivité ne pourra pas travailler au cas par cas, c’est le syndicat avec sa DSP qui en aura la charge. Si nous restons chacun à gérer dans notre coin, le prix de l’eau ne sera pas le même pour tous, et ceci est important à mes yeux.

Ajoutons que, grâce à Cauvaldor, un CCAS a été créé. Il a permis de proposer aux concitoyens en difficulté qui n’osent pas solliciter d’aide de bénéficier de soutiens financiers qui leur évitent de subir des coupures d’eau et d’électricité. Un fonctionnement en régie nous aurait permis d’être plus vigilants à ce sujet.

Si nous n’allons pas vers une prise de compétence en régie par Cauvaldor, nous allons le payer cher (« nous allons être tondus » !).

Solutions du quizz

  • Prix du m3 d’eau, abonnement compris pour 100 m3

Aix en Provence : 2,78 € (régie publique)

Drancy : 5,05 € (Veolia)

Valenciennes : 5,89 $ (Suez)

Source : Que choisir ? Juin 2018

  • 1 l d’eau minérale n’est quand même pas aussi cher qu’un m3 d’eau du robinet.

L’eau la moins chère en bouteille (plastique) : 0,11 €/litre

Eaux minérales : Évian 0,43 €/litre, Hépar 0,85 €/litre

Eau Perrier en bouteille de 20 cl : 1,80 €/litre

–                 L’étiage d’un fleuve ou d’une rivière est son niveau le plus bas.

  • Si le barrage de Bort les Orgues cédait, l’onde de submersion de 17 m atteindrait Floirac 4 h après (Document d’Information Communal sur les Risques Majeurs Floirac).
  • Extrait d’un interview de l’hydrogéologue M. Bakalowicz par JC Bonnemère (la Vie Quercynoise, 22 février 2019) au sujet de son opposition aux épandages de digestat sur le karst.

Vous invoquez donc l’application du principe de précaution ?

C’est plus que ça ! Ce n’est pas un principe de précaution. Je sais qu’ailleurs, des problèmes de cet ordre se sont manifestés. Je pense en particulier aux épandages de lisier en Bretagne où dans plusieurs nappes phréatiques la pollution s’est installée pour des dizaines et des dizaines d’années. Avec le digestat sur sol calcaire, on est sûr d’atteindre l’eau souterraine.

[1]          Dans la gestion directe en régie, la collectivité gère directement l’eau et l’assainissement.

Dans la DSP (Délégation de Service Public) on trouve (essentiellement)

  • la concession : le « concessionnaire » investit dans les équipements et se rémunère directement sur l’usager.
  • l’affermage : le « fermier » utilise les équipements de la collectivité pour assurer les services, se rémunère sur les usagers et reverse une partie de la redevance à la collectivité.

[2]          Ou presque, un contrat avec Veolia court jusqu’en 2022

[3]          Plutôt que la procédure habituelle où les élus font en premier le choix public-privé

[4]          Où Christian Estrosi avait choisi la gestion publique.

[5]          La République reste bon prince (JCB)

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