Des parallèles frappants

L’idée d’un effondrement imminent de la civilisation en cours doit être de de toutes les époques, mais il semble quand même à beaucoup que, ces temps-ci, l’heure en est venue pour la nôtre. Un effondrement sec pour les plus pessimistes, sans parler des intégristes religieux de tous bords qui semblent espérer que connaître Armageddon de leur vivant leur donne une meilleure chance de tirer leur épingle du jeu. Plus sérieusement, pour la plupart je l’espère, les prémisses d’un tel collapse sont la condition (malheureusement) nécessaire à l’amorce d’une révision radicale des bases économique, sociale et politique de nos sociétés mondialisées, ou, pour faire plus court, du capitalisme dans son stade actuel.

Parmi les travaux récents sur ce sujet, nous trouvons l’ouvrage « Effondrement » de Jared Diamond, un best-seller des années 2000, qui attribue une large part de cette évolution vers l’extinction de civilisations, comme pour l’incontournable île de Pâques, à des problèmes environnementaux. Plus récemment, le rapport de travaux cofinancés par la Nasa (The Gardian du 14/3/2014) qui met en cause la surexploitation des ressources naturelles et l’accroissement continu des inégalités sociales. Ce texte est antérieur à la parution de la version anglaise du « Capital au XXIème siècle » de Thomas Piketty : on peut penser que les controverses générées par ces thèses proviennent des mêmes milieux.

Le texte ci-dessous est beaucoup moins ambitieux, il met simplement le doigt sur des similitudes factuelles qui interpellent, entre l’état actuel de la « démocratie en Amérique » et le stade atteint par la République Romaine avant sa conversion en empire romain, lorsque Octavien est devenu Auguste (en fait en –27).

Si l’ « Histoire ne repasse pas les plats », il n’est pas inutile de la consulter.

Article original : « 8 Striking Parallels Between the U.S. and the Roman Empire »

http://www.informationclearinghouse.info/article33489.htm

Huit parallèles frappants entre les États-Unis et

l’Empire Romain

Notre république va-t-elle vers une chute brutale ? L’Histoire n’est peut-être pas du côté de l’Amérique.

Par Steven Strauss (économiste états-unien)

« Alternet », 31 décembre 2012

L’ouvrage « La République perdue » (Republic Lost) de Lawrence Lessig décrit l’effet « corrosif » de l’argent sur l’action politique. Lessig constate que nous assistons à la fin du caractère républicain de nos gouvernements car maintenant, plutôt que leurs concitoyens, les politiciens représentent ceux qui ont financé leur campagne électorale.

Dans « L’ascension de Rome » (« Rise of Rome »), Anthony Everitt raconte avec brio l’histoire de la Rome antique depuis sa fondation (vers – 750) jusqu’à la fin de la République (vers – 45).

La lecture de ces deux ouvrages fait apparaître des parallèles frappants entre les fêlures de notre système et celles qui ont abouti à la chute de la République Romaine.

De la même manière qu’à Rome à la veille de la chute de la République, nous avons vu en Amérique :

  1. Une croissance continue du coût des élections, avec des sources de financement douteuses : il est généralement admis que nos élections de 2012 ont coûté 3 milliards de dollars. Tout cela issu de sources privées, ce qui donne souvent l’impression, sinon la certitude, que nos leaders sont inféodés à des groupes d’intérêt particuliers. À la fin de la République Romaine, les élections deviennent de plus en plus onéreuses, ce qui a  amené les citoyens à ces mêmes conclusions. Il est communément admis que César avait dû procéder à de si lourds emprunts qu’il craignait d’être ruiné s’il perdait les élections.
  2. La politique comme voie vers l’enrichissement personnel : dans les derniers temps de la République Romaine, une des voies de base vers la richesse était d’accéder à un emploi public pour ensuite exploiter cette position pour accumuler les avoirs. Comme le note Lessig pour notre Amérique : les membres du Congrès, dont les sénateurs, et leurs staffs, utilisent leurs activités de gestion comme tremplin vers des positions dans le domaine privé qui leur rapportent trois à dix fois plus que leurs émoluments de fonction. Dans le cadre de ces arrangements financiers, « leur point d’intérêt n’est pas vraiment les citoyens qui les ont envoyés à Washington, ils servent plutôt ceux qui les ont rendus riches. » (Republic Lost)
  3. Un état de guerre permanent : la sécurité de la Nation prévaut, et les guerres détournent l’attention des problèmes domestiques. Comme la République Romaine à sa fin, les USA sont, depuis un siècle, soit en guerre, soit se relèvent d’une guerre, soit préparent une nouvelle guerre : la première guerre mondiale (1917-18), la deuxième guerre mondiale (1941-1945), la guerre froide (1947-1991), la guerre de Corée (1950-1953), le Vietnam (1953-1975), la guerre du golfe (1990-1991), l’Afghanistan (2001- en cours), et l’Irak (2003-2011). Et cette liste est loin d’être exhaustive.
  4. Les puissances étrangères prodiguent argent et prestige aux leaders de la République : les guerres extérieures accroissent les assises des leaders politiques, portés par les gouvernements et les financiers étrangers, c’était vrai pour Rome, ce l’est également pour nous. Durant le siècle dernier, les ambassades, le personnel de ces ambassades et les lobbyistes, ont proliféré à Washington. Un seul exemple : un homme d’affaire étranger a fait cadeau de cent millions de dollars à différentes affaires de Bill Clinton. Clinton lui a « ouvert des portes » et a quelquefois agi contre des intérêts américains et contre notre politique étrangère.
  5. Les profits faits à l’étranger déterminent la politique intérieure de la République : comme la fortune de l’aristocratie romaine provenait de plus en plus de l’extérieur de la nation, la politique romaine était faite pour faciliter cet apport. Les milliardaires américains, comme nos entreprises américaines, influent de plus en plus sur nos élections. Dans de nombreux cas, ces intervenants ne sont en fait américains que de nom et leurs intérêts ne vont pas dans le sens de ceux du peuple américain. Par exemple, Fox News n’est qu’une pièce du groupe international de presse News Corp. qui réalise dans le monde entier un revenu de plus de trente milliards de dollars. Le  patriotisme débridé de Fox News est-il un produit des intérêts non-US de News Corp. ?
  6. Collapse de la classe moyenne : Juste avant la chute de la République, la classe moyenne romaine était aux abois, mise à mal par la concurrence avec le travail effectué au rabais par des esclaves à l’étranger. De nos jours aux USA, nous observons une inégalité croissante dans les salaires, une classe moyenne en stagnation, et une évasion des emplois américains au profit de travailleurs étrangers, qui sont moins payés et bénéficient de moins de droits.
  7. Tripatouillage : la République Romaine sur le déclin utilisait différentes méthodes pour réduire les pouvoirs des citoyens de base. Le Parti Républicain (GOP), lui, a tripatouillé les cartes électorales, ce qui a permis qu’à la Chambre des Représentants, les candidats républicains qui, aux élections de 2012, n’avaient obtenu que 48 % des voix se sont retrouvés majoritaires avec 53 % des sièges.
  8. La perte de l’esprit de compromis : la République Romaine, comme la nôtre, fonctionnait sur un système d’équilibre négocié. Le compromis est nécessaire pour que fonctionne ce type de gouvernance. À la fin, la République Romaine a perdu cet esprit du compromis, avec des hommes politiques de plus en plus coincés entre en haut, l’élite riche et branchée, et en bas, le peuple de base. Ça vous rappelle quelque chose ? L’art du compromis est également de nos jours tombé en désuétude. Par exemple «  il y a eu plus de manoeuvres d’obstruction au Congrès entre 2011 et 2012 que pendant les années soixante, soixante-dix et quatre-vingts réunies. »

Comme le disait Benjamin Franklin, nous avons une République – mais seulement si nous pouvons la garder.

L’auteur Steven Strauss n’est pas vraiment un gauchiste.

About the Author: Steven Strauss was founding Managing Director of the Center for Economic Transformation at the New York City Economic Development Corporation (NYCEDC). Steven was one of the NYC leads for Applied Sciences NYC, NYC BigApps and many other initiatives to foster job growth, innovation and entrepreneurship. He is an Advanced Leadership Fellow at Harvard University for 2012. In 2010, Steven was selected as a member of the Silicon Alley 100 in NYC. He has a Ph.D. in Management from Yale University, and over 20 years’ private sector work experience. Geographically, Steven has worked in the US, Asia, Europe and the Middle East.

Même un non-anglophone peut en juger. Par contre, le blog Alternet (www.alternet.org) semble un de ces blogs dans lesquels la gauche américaine alternative, voire radicale, peut trouver place. Le site http://www.informationclearinghouse.info/ répercute, outre les textes qui lui sont directement envoyés, de nombreux articles parus sur divers sites militants comme Alternet, CounterPunch, etc : « news you won’t find on CNN or FoxNews » (des informations que vous ne trouverez ni sur CNN ni sur FOXNEWS (Murdoch) » .

Un petit ajout, issu du commentaire qu’un lecteur a déposé (au XXIème siècle) sur le site ICH :

…Les conduites d’eau en plomb utilisées à Rome sont une véritable cause du déclin de Rome. La ville entière devenait insalubre. Notre situation n’est pas très différente. Nous avons empoisonné notre environnement – l’air, l’eau, la terre – et nos aliments sont bourrés de pesticides, de produits toxiques comme les fertilisants issus de la pétrochimie, et il y a des traces de plastiques, simplement dans tout. Il serait vraiment étonnant qu’AUCUN de ces trucs ne soit responsable de la prolifération des maladies mentales que nous constatons ces dernières décades. (Et je crains que tout cela empire, tout simplement)…

Nous dirons que ce texte est complémentaire.

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