Ecologie et lutte sociale, une double urgence

Compte-rendu de la conférence tenue le 13 avril 2013 au palais de la Raymondie

(rédigé par jc Brenot, secrétaire-adjoint)

15 h 45, Martel, palais de la Raymondie : le quizz ci-dessous est distribué aux premiers arrivants.

QUIZZ du 13/04/2013

1      Le gaz à effet de serre (GES) le plus important est

  • le gaz carbonique (dioxyde de carbone) CO2
  • l’eau H2O
  • le méthane CH4

2      Les crédits carbone

a.     sont une allocation gouvernementale permettant aux nécessiteux d’acheter du charbon en hiver

b.     sont alloués gratuitement aux industries grosses productrices de GES (aciéries, cimenteries, etc)

c.     doivent être achetés par les industries polluantes

3      Que signifie AMAP ?

A__________  M_________  A__________  P__________

4      Les objectifs de la région Aquitaine vis-à-vis du changement climatique approchent les préconisations du GIEC :

Vrai – faux

GIEC = Groupement d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat.

5    Barack Obama vient de signer le « Monsanto Protection Act » : c’est bon pour la biodiversité.

Vrai – faux

6    Les financiers, qui vivent sur la même Terre que nous, vont s’empresser d’adopter un comportement responsable vis à vis de celle-ci dès que nous leur aurons tout expliqué.

Vrai – faux

16 h 05 Corrigé du quizz (reproduit à la fin de ce texte, pour éviter les tentations)

16 h 15 La conférence commence par  une brève introduction de Marc Flotz, président de la section Martel-Haut Quercy de la Ligue des Droits de l’Homme, de la conférence

Écologie et lutte sociale

Une double urgence

Le thème : la section est très préoccupée par l’avenir de la planète. Il y a deux ans, nous avons reçu Geneviève Azam, auteure de l’ouvrage « Le temps du monde fini, vers l’après capitalisme » , très impliquée dans le mouvement ATTAC et chroniqueuse pour le journal Politis, et Patrice Vidieu, paysan syndicaliste autour du thème

Que faire avec une seule Terre ?

Les intervenants :

  • Daniel Tanuro, ingénieur agronome et environnementaliste belge, qui a depuis 2004 publié plus de 150 articles et participé à de nombreuses conférences internationales, le plus souvent dans le domaine de l’ « écosocialisme ». Il est surtout l’auteur de  L’impossible capitalisme vert, Éditions La Découverte, Paris, 2010,2012, 9,50 €. Il a également donné une conférence sur la réalité du bouleversement climatique au festival Écaussystème 2011 à Gignac.
  • Laurent Cougnoux, directeur du Lot en Action

La conférence commence …

Il y a aujourd’hui concomitance entre une crise politique et sociale et une crise écologique. Les gouvernements, de gauche comme de droite, ne pensent que productivisme et ne voient l’issue de la crise rampante depuis maintenant plus que quatre ans[1] que dans la réapparition de la Croissance[2]. Dans les précédentes crises, la restauration du taux de profit suffisait à relancer l’investissement et la croissance. Mais, cette fois, la recette ne marche pas. Pourtant la pression sur les salaires, appuyée sur le chantage aux licenciements, les menaces de délocalisation, les trop bien nommés « pactes de solidarité[3] », les « règles d’or » , etc a bien joué son rôle dans la réduction du coût du travail. Dans le même sens, les délocalisations effectives, la prolifération de sous-emplois sous-payés, … Mais rien n’y fait. Tout au moins dans notre pays.

Une des raisons de la faiblesse des investissements est que ce monde néolibéral est trop gourmand et que la masse du capital ne sait pas où s’investir. Le rendement de 20 % qui semble maintenant le minimum admissible n’est pas simple à trouver dans l’économie « réelle ». Inutile de penser aux énergies renouvelables, investissements qui pourtant seraient bien utiles car porteurs d’avenir, mais à rentabilité bien limitée. Avec la réduction des incitations gouvernementales, la filière du photovoltaïque est bien mal en point, même en Allemagne et en Chine. Le marché des obligations a été bien tentant. Un calendrier bien précis, un rendement assuré, à des niveaux que les agences de notation se chargent de rendre élevés, justifiés par des risques, … que la puissance publique se chargera de couvrir[4] si l’on est « too big to fail », trop gros pour couler, en fait être laissé à l’abandon.

Plus généralement dans le monde[5], la reprise est là, mais elle reste molle, en particulier à cause de la crise qui frappe les pays développés gros consommateurs, bref on ne va pas s’en sortir aussi facilement ; et Daniel Tanuro ne peut que rappeler l’inquiétante montée en puissance des outils de contrôle des citoyens dans nos pays « démocratiques ». Initiées grâce au 11 septembre par le Patriot Act[6], ces dispositions n’ont fait que croître et embellir[7], toujours sous le couvert de la lutte contre le terrorisme.

Les problèmes sociaux rejettent à plus tard le problème écologique.

Et ce n’est pas la moindre des conséquences, alors que nous allons vers une crise globale. Le climat est sur une phase de basculement[8], la biodiversité[9] est en pleine régression, … L’épisode du trou de l’ozone au dessus des pôles a donné lieu à des décisions fortes à l’échelle internationale dans le cadre du protocole de Montréal (1985), le trou semble se réparer petit à petit mais les CFC restent le troisième acteur dans l’effet de serre. Et il n’est pas inutile de tempérer l’optimisme que procure cette collaboration, il faut bien dire inhabituelle à l’échelle de la planète, car il ne s’agissait que de substitution : l’industrie chimique allait pouvoir fournir des produits de remplacement, plus chers, pour les nouveaux appareils et en échange pour ceux qui étaient en cours d’utilisation. Alors qu’il faudrait dans certains cas un bannissement pur et simple.

Les grands cycles de la Vie, comme le cycle de l’azote et le cycle du phosphore, sont perturbés par l’utilisation massive des engrais de synthèse, qui entraînent de graves pollutions des eaux, les phénomènes d’eutrophisation largement issus de la chimie du pétrole, et évidemment, chez l’homme, de graves pathologies[10].

Il est vrai que la paléontologie a montré que différentes espèces ont connu dans le passé plusieurs phases d’extinction, mais celle qui nous menace est d’origine essentiellement anthropique.

Cependant, soyons optimistes, le GIEC veille, et ses rapports engagent les États : tous nos gouvernants sont comptables de leurs actes…

Qu’est ce qui nous attend ?

  • Une élévation significative du niveau des mers, qui chassera des côtes trop basses des populations entières, comme au Bangladesh, mais aussi imposera dans d’autres pays le relèvement des digues (le Zuiderzee, …), des barrages (la Tamise, …) déjà existants et la coûteuse construction de nouveaux ouvrages (par exemple Venise ?).
  • Le réchauffement de l’Arctique continue, ouvrant la voie à de nombreux développements comme l’exploitation pétrolière, la pêche industrielle, une circulation maritime circumpolaire qui n’est plus essentiellement militaire, sans oublier une modification en cours de la salinité[11] des eaux par la fonte de la banquise. Et, comme l’avait annoncé dès 1981 James Hansen, ex-climatologue en chef de la Nasa, les grands glaciers de l’Antarctique connaissent à présent une désintégration rapide.
  • La distribution des précipitations se durcit : des sécheresses plus sévères pour les uns, comme aux États Unis, des inondations dévastatrices comme le dernier été en Europe de l’Est.
  • L’aggravation de la baisse de la productivité[12] agricole alors qu’une des rares prédictions admises par tout le monde est que la population mondiale va s’accroître.

Comment va réagir le capitalisme ?

Le réchauffement climatique est une réalité, à 99,9 % et dans ces conditions, le GIEC préconise, pour que, en 2100, la température n’ait pas augmenté de plus que de 2,4°C, que les pays développés réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 45 % en 2020, de 80 à 95 % en 2050, par rapport à 1990.

Cette réduction devra se faire essentiellement sur le dioxyde de carbone (CO2) issu de la combustion de combustibles fossiles, lesquels fournissent actuellement 80 % de l’énergie, toutes applications confondues : « pas de la petite bière !», comme on dit en Wallonie.

D’après l’ONU, les énergies renouvelables peuvent techniquement se substituer aux énergies fossiles mais le problème est un problème économique, de gros sous … et de temps. Car, tout au moins pour l’instant, les solutions renouvelables sont plus chères, comment pourraient-elles l’être moins ! Et le changement massif d’origine de l’énergie demanderait des changements qualitatifs comme une diversification et déconcentration[13] des « nouvelles » sources d’énergies, une importante adaptation du matériel industriel à celles-ci, des mesures drastiques de réduction du gaspillage[14], …

Il faudra aussi renoncer à l’énergie nucléaire qui, outre des Fukushima, produit déchets et pollution thermique, seulement un tiers[15] de l’énergie produite dans le réacteur est convertie en énergie électrique, le reste partant en vapeur et dans le Rhône, la Garonne, etc, quand leurs débits sont suffisants !

Et, il ne sera pas facile pour les pétroliers[16] de voir leurs parts de marché, comme leurs profits, diminuer, on voit avec quelle voracité ils se jettent sur les nouveaux hydrocarbures (non conventionnels).

Comment peut se comporter la gauche ?

Pour résoudre les problèmes environnementaux, la gauche doit inclure le social[17], et entamer des actions qui sont du ressort de la seule puissance publique

o      l’incitation à l’isolement des habitations, dont les insuffisantes seraient à l’origine du quart de l’effet de serre.

o      La prise en main du domaine des transports[18], haut lieu de gabegie

o      L’incitation à une relocalisation de la production.

En conclusion, crises sociale et écologique sont là, indissociables, et ainsi doivent elles être traitées.

CORRIGÉ DU QUIZZ

1      Le gaz à effet de serre (GES) le plus important est …

Le graphe ci-dessous représente les contributions relatives des principaux GES. Les valeurs sont approximatives car elles varient beaucoup avec les sources.


Près des deux-tiers (entre 60 et 72 % selon les sources) de l’effet de serre sont dus à l’eau (et non au CO2 comme on le dit trop souvent).

Les chiffres en rouge représentent l’efficacité pour l’effet de serre des principales molécules impliquées, efficacité rapportée à celle de l’anhydride carbonique. On peut remarquer l’effet des CFC (fréon par exemple) pourtant en principe bannis depuis longtemps : cela est dû à leur long temps de vie et à leur efficacité redoutable dans l’absorption (et réémission) des infra-rouges émis par la Terre.

On peut également noter la hélas bonne performance du méthane. La combustion d’un volume de méthane produit un volume de CO2, mais, si 10 % du méthane échappe à la combustion et ainsi participe directement à l’effet de serre, celui-ci sera triplé.

2 Les crédits carbone …

sont alloués gratuitement aux industries grosses productrices de GES (aciéries, cimenteries, etc), qui peuvent les vendre à des industries polluantes. Introduits dans le cadre du protocole de Kyoto dans le but vertueux d’inciter les industriels à réduire les émissions de GES, ils sont devenus des produits financiers.

Illustration : d’après le Monde du 26 avril 2012, ArcelorMittal a réalisé  entre 2005 et 2010 un « gain potentiel de 1,1 milliard d’euros » avec ses crédits carbone, alloués gratuitement, mais inutilisés pour cause de … mise en sommeil de plusieurs de ses installations en Europe. Devinez lesquelles.

3 Que signifie AMAP ?

Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne.

Encore peu développée dans le Lot.

4      Les objectifs de la région Aquitaine vis-à-vis du changement climatique approchent les préconisations du GIEC : vrai.

La preuve :: objectifs fixés par le scénario de référence du Schéma Régional Climat-Air Énergie d’Aquitaine (SRCAE) d’Aquitaine approuvé le 15 novembre 2012

–  une réduction de 28,5% des consommations énergétiques finales d’ici 2020 par rapport

à celles de 2008,

– une production des énergies renouvelables équivalente à 25,4% de la consommation

énergétique finale en 2020,

–  une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2020 par rapport

à celles de 1990,

– une réduction des émissions de polluants atmosphériques, notamment les oxydes d’azote

et les particules en suspension.

L’Aquitaine se positionne ainsi sur une trajectoire devant permettre d’atteindre une division

par 4 des émissions de GES d’ici 2050, par rapport à celles enregistrées en 1990.

5      Barack Obama vient de signer le « Monsanto Protection Act » : c’est bon pour la biodiversité.

Faux !!!

Cette loi stipule que « dans le cas où une décision [d’autorisation de culture] est ou a été invalidée ou annulée, le ministère de l’agriculture doit (…), sur simple demande d’un cultivateur, d’un exploitant agricole ou d’un producteur, accorder immédiatement une autorisation ou une dérogation temporaire. ».

Pour information, d’après le Monde du 5 avril 2013, Monsanto a déjà une position hégémonique dans les semences aux US : 93 % pour le soja, 88% pour le coton et 86% pour le maïs.

6 Les financiers, qui vivent sur la même Terre que nous, vont s’empresser d’adopter un comportement responsable vis à vis de celle-ci dès que nous leur aurons tout expliqué.

Un des sujets de la conférence :  » l’impossible capitalisme vert » …


[1] depuis la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008

[2] la majuscule est délibérée, elle, la Croissance, la vaut bien !

[3] travailler plus longtemps pour un salaire moindre

[4] sauf, pour l’instant, chez ces cabochards d’Islandais.

[5] Qu’en sera-t-il des US, désormais voués au schiste miraculeux (gaz et pétrole) ? La manne, entre autres bonnes choses, entraîne(ra) des relocalisations grâce à une baisse massive du prix de l’énergie (un facteur 3, voire 4 pour le prix du gaz, il faut bien vendre sa (sur)production) . Résultat, le Made in the USA sera moins cher que l’importé, surtout que pour l’extérieur, le prix de l’énergie, donc du transport, va augmenter. Et on crache sur le gaz de schiste !

[6] voir http://ldh-midi-pyrenees.org/2009/12/les-derives-securitaires/

[7] voir par exempe le NDAA (National Defense Authorization Act)

[8] B. Obama et le climat : dans son discours d’investiture du 21/1/13, B. Obama a tenu à mentionner « l’impact dévastateur d’incendies quasi incontrôlables, des sécheresses très sévères, et d’ouragans encore plus puissants » dans son pays. Il faut dire que, quelques semaines auparavant, Sandy paralysait Wall Street pendant plusieurs jours. Tout un symbole, après le 9/11.

[9] Biodiversité : une fois de plus, il faut bien parler de Monsanto qui rêve d’atteindre le monopole mondial des semences, standardisées et de plus OGM, et ne néglige pas dans ce but de faire adopter ce que les mauvaises langues appellent la « Monsanto Protection Act ». Nos ancêtres savaient qu’il fallait disposer d’un ensemble de variétés de chaque espèce pour prévenir les dégénérescences, garantir l’adaptabilité aux sols et aux caprices climatiques, etc.

[10] comme la méthémoglobinémie, l’oxydation de l’hémoglobine qui la rend impropre au transport de l’oxygène (sa fonction principale).

[11] voir la polémique sur la pérennité du Gulf Stream, espérons que les optimistes ont raison.

[12] la productivité agricole : ce problème justifierait une conférence à lui tout seul. Pour ne parler que l’aspect climat, l’agriculture subit les effets du réchauffement climatique, elle en est également un responsable important (toujours les vaches, le riz, etc), certains voudraient la voir une partie de la solution, par le captage du carbone, ce qui semble un peu court. De toute façon, sur fond de spéculations sur les denrées alimentaires.

[13] L’habitation à énergie positive arrive timidement dans notre pays. Est-il toujours besoin en France de construire une usine de 10 000 m2, par exemple pour méthaniser le lisier (et préserver les eaux souterraines du Causse) ?

[14] De la réduction de l’éclairage nocturne au bannissement de l’obsolescence programmée !

[15] La dure loi de Carnot. Dès les débuts de l’énergie nucléaire, les surrégénérateurs ont été vus comme une solution magique : parce que, d’une part, ils doivent produire plus de matières fissiles qu’ils en consomment, d’autre part, ils utilisent du sodium liquide (du mercure pour Clementine, le premier essai US par Enrico Fermi, en 1946 !) à des températures qui permettent un bien meilleur rendement énergétique. Mais courir deux lièvres à la fois était peut-être trop, on se rappelle la triste vie de Superphénix.

[16] Le « virage des énergies renouvelables » pour les grands groupes énergétiques n’a pas pour l’instant époustouflé grand monde.

[17] on pourrait appeler cela de l’écosocialisme !

[18] depuis le premier janvier 2013, l’autorisation de circulation de camions de 44 tonnes est généralisée en France.

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