XVIIIème Rencontre de Martel avec Daniel Tanuro

Conférence-débat le 13 avril 2013, à 16 heures, au palais de la Raymondie

Écologie et lutte sociale

 

une double urgence

 

avec Daniel Tanuro, auteur de « L’impossible capitalisme vert »

et Laurent Cougnoux, directeur du Lot en Actions

La crise est-elle finie ? La croissance reviendra-t-elle, en particulier chez nous ? Retrouverons nous les beaux jours des « Trente Glorieuses » pendant lesquels l’accroissement du pouvoir d’achat allait de pair avec l’approfondissement des acquis sociaux ?

Beaucoup d’oiseaux de mauvaise augure, ou plutôt de penseurs réalistes, pensent que ces temps sont révolus[1] et qu’il est grand temps de se préoccuper de notre Terre et de ce qu’elle est encore en mesure de supporter.

Daniel Tanuro à l’île Maurice en décembre 2012, à l’invitation de Rezistans ek Alternativ

Parmi ces lanceurs d’alerte figure Daniel Tanuro[2], ingénieur agronome et environnementaliste belge, qui a depuis 2004 publié plus de 150 articles et participé à nombre de conférences internationales, le plus souvent dans le domaine de l’ « écosocialisme », soulignant inlassablement la nécessité de prendre en compte les problèmes écologiques et l’incapacité congénitale du capitalisme à résoudre ces problèmes.

En 2010, Daniel Tanuro a exposé l’état de ses réflexions sur ces sujets dans un petit livre clair et incisif « L’impossible capitalisme vert[3] » : lorsqu’on a lu cet ouvrage, on n’est plus comme avant, et on ne peut qu’être atterré par les discours des hommes politiques de tous bords et de tous pays qui parlent comme si notre planète était aussi fraîche que pendant le néolithique et à même de nous accompagner vers une croissance infinie.

Une approche écologique est urgente

Daniel Tanuro se base essentiellement sur les préconisations du GIEC : pour ne parler que des pays développés, une augmentation de seulement 2°C de la température de la Terre d’ici 2100 demanderait une réduction absolue de 80 à 95% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, et de 25 à 40% d’ici 2020, par rapport à 1990. Qui peut penser que, sauf une action coordonnée volontariste … ou une récession mondiale hors contrôle, les chiffres de 2020, dans 7 ans, pourront être tenus ? Les grands acteurs mondiaux, de la politique aux affaires, semblent totalement étrangers[4] à cette problématique.

Pour l’essentiel des gens sérieux, les désordres climatiques qui s’accumulent ont une origine largement humaine, à mettre au compte du mode d’exploitation capitaliste. Le capitalisme, qui a tout fait pour être dans cette situation de monopole au niveau mondial, s’emploie à enrichir les 1 % de la population au détriment des 99 % autres, … et de notre planète qui n’en peut plus. Daniel Tanuro, de culture marxiste, est bien armé pour développer ces sujets.

Un élément primordial dans l’augmentation de l’effet de serre est l’emploi irraisonné des combustibles fossiles, un des fondements du capitalisme ; déraison qui devient dramatique ces dernières années avec la catastrophe des gaz et autres pétroles « non conventionnels ». Alors que le pic pétrolier – des pétroles classiques » – laissait espérer que serait enfin prise en compte la raréfaction de ces ressources, surviennent des substituts présumés (quasi-) inépuisables (à l’échelle de temps des Wall Street et autres City qui fonctionnent souvent à court terme), avec des coûts financiers et écologiques exorbitants.

Parmi les autres caractéristiques du présent système économique mondialisé : le productivisme, la division du travail organisée à l’échelle mondiale, en particulier en procédant à des délocalisations, toujours, et de plus en plus, à la recherche de profits maximaux, …

Le productivisme, c’est produire toujours plus – la croissance ! – même si cela ne correspond pas à de réels besoins des populations, c’est gaspiller de l’énergie, des ressources naturelles – comme les minerais – en organisant l’obsolescence des produits – vite démodés, vite dépassés techniquement, … ou plus sûrement vite en panne.

La division du travail, c’est sous des arguments de modernité et d’efficacité soumettre des populations entières aux diktats du grand capital. Dans le domaine agricole, ce sont les monocultures à grand renfort d’intrants, et un milliard d’affamés dans le monde. Dans le domaine industriel, c’est délocaliser pour accroître, par des moyens parfois abracadabrantesques, les profits, en gaspillant l’énergie et surtout en jetant dans la misère ceux que l’on voudrait voir rester des consommateurs !

Urgence de luttes sociales

Ce n’est pas faire un mauvais procès au capitalisme que de penser qu’il ne renoncera pas facilement aux sources de sa puissance, en clair sans des luttes sociales à la mesure des enjeux.

Il a déjà tenté de s’intituler « vert ». Malheureusement le développement d’énergies alternatives semble ne l’intéresser que moyennement, les profits envisageables semblent un peu maigres et il est plus intéressant de procéder à des montages financiers de haute volée à partir des crédits carbone, certains libérés par exemple par la mise en sommeil de sites sidérurgiques européens. Non, décidément, malgré sa grande flexibilité – rappelons nous l’intelligence du marché autorégulateur – le capitalisme ne semble pas en mesure de mener la transition que la Terre nous réclame.

Son salut ne pourra venir que des luttes sociales que Daniel Tanuro appelle de ses vœux pour créer un « écosocialisme », qui concilie écologie et gestion plus juste de la société. On ne peut savoir à présent si ce « printemps » résultera de causes sociales, ou climatiques, ou de leur conjonction, si un écosocialisme né dans un pays se propagera aisément, mais nous devons dès à présent nous préparer.

Des mouvements du type « In Transition » peuvent jouer des rôles importants dans cette préparation, en premier lieu en recréant un lien social dans des populations déstructurées par les médias, les conditions de travail, les conditions d’habitation, etc. Le relatif échec des mouvements comme des « Indignados » ou « Occupy Wall Street » doit également être analysé, manque d’organisation ou même de programme (OWS), et pour ce même OWS la violence d’un État qui s’est doté, en particulier grâce au 11 septembre 2001, d’un arsenal de moyens policiers, juridiques et de renseignement qui feront que ces luttes[5] pourront ne pas être des parties de plaisir. Parmi leurs actions, ces mouvements In Transition battent monnaie, et cela peut ne pas être purement folklorique : attaquer le capital sur son terrain ! (voir Margrit Kennedy par exemple)

Bref, nous attendons impatiemment Daniel Tanuro à Martel.

La conférence sera préparée le mardi 9 avril à 20 h 30 par la projection à l’Uxello de Vayrac de deux films (60 minutes chacun environ) : In Transition 2.0 (VOSTF) et Transition au Pays, aventure lotoise.


[1] Voir par exemple Richard Heinberg La fin de la croissance, édition Demi Lune, 2012

[2] Daniel Tanuro n’est pas un inconnu dans la région puisqu’il est intervenu à Gignac pour l’édition 2011 d’Ecaussystème pour affirmer la réalité du désordre climatique et son origine largement anthropique, face au climatosceptique Serge Galam.

[3] Daniel Tanuro, L’impossible capitalisme vert, Éditions La Découverte, Paris, 2010,2012, 9,50 €. Pour découvrir des interventions récentes, taper par exemple « tanuro lemauricien » dans votre moteur de recherche.

[4] À l’exception de Barack Obama, dans son discours d’investiture. Un peu, car son dernier Discours sur l’État de l’Union (12 février 2013) remet sensiblement les choses au point.

[5] Pour se rappeler les épisodes précédents, on peut relire Howard Zinn  Une histoire populaire des États Unis, Agone, 2003

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